VIVRE EST LÀ
Dans les villes, les gros bourgs, je perçois bien rarement un air sifflé par la fenêtre ouverte, un refrain chantonné dans la rue, au comptoir d’un bar-tabac, dans la queue devant une caisse, cinéma ou hypermarché. Il n’empêche, quelques mesures doucement modulées, et le joug se fait moins féroce, le pouvoir moins museleur. On a pu, naguère, affirmer que les goualantes résonnaient parmi les squares les venelles ; elles frissonnaient de vie. Point d’auto-radios hurleurs, toutes vitres abaissées. Qui se surprend, aujourd’hui, susurrant, à la terrasse d’un café, une tendre aria de Bach ? Où, la plaisance du fredon comme humble rumeur d’abeille ?
Toi qui vas volontiers chantant, la caresse de ta voix rend le cœur plus léger, comme celle d’une brise en juin ; elle époussette la journée, la soulage de sa grisaille. Avec toi, un instant je marche sur l’eau, un instant je suis oiseau. Avec toi, tes ritournelles, oubliés ‒ tout merveilleusement ! ‒ extorqueurs de désir trafiquants de peur fabricants de tristesse furieux de dieu bombes humaines.
Un temps, une autre habitation possible de la terre.