LE TEMPS, ALORS, SUSPEND SON COURS
Le trouble de tendre la main, toi et moi le connaissons, et l’émoi de sentir que jamais l’autre ne s’esquive, que même lui aussi tend sa main, caressant à sa manière. D’où le soin que nous avons de ne pas trop nous en conter : pour rester en éveil, concentrés sur ce trouble qui nous munit d’une oreille attentive – ô combien ! –, et qui, pour mieux parcourir, explorer, enhardit notre tact, l’affine. Nos doigts nous font, l’un à l’autre, peau neuve.
Alors, nos lèvres s’abreuvent à la rosée du vivre : nos baisers nous sèment au présent un futur, sans que, pourtant, nous succombions à l’arôme soupçonné de l’espoir. Nous n’avons pas à recouvrer le temps perdu : plus moelleuses parfumées qu’une petite madeleine, nos gourmandises nous entêtent de saveurs plus enivrantes. Nous n’avons pas à inventer le chemin long et sinueux qui nous a conduits là : malgré tristesse déchirures terreur, nous rendons grâces à la terre ses recoins d’herbe l’odeur du foin jusqu’au vertige ses airs de hautbois sa lave interne ses plis d’eaux vives ses geysers, et saluons le bleu ruisselant de lumière.
Tu nous as offert cette chance : nos sangs s’effrènent vrombissent rauquent le oui de tout cœur du jouir.