L’HÔTESSE
Elle est venue, d’un pas comme alenti mais sûr, auréolée de boucles blondes fleurant le jasmin et le feu de sarments, visage grave, réservé, ses lèvres exquisément roses ; et, si intense, le regard, protégé d’un sourire ! Une discrète pasionaria, qui porte en secret sa blessure. L’amour du monde pour devise, couleurs, lumières et parts d’ombre : la vérité dans l’apparence.
Son pays ? Peut-être des coteaux, vergers, potagers et vignes sous un doux lait de lune que son enfance aurait immensifiés. Peut-être quelque ville d’ocre jaune rouge et ses toits en terrasse ; on y dort peau à peau dans l’odeur du romarin tout près de lauriers en fleurs. Plus probable, sans doute : cette contrée d’eaux claires où les tendres preuves du printemps et les oiseaux mal habillés sont préférés aux buts lointains.
C’est là qu’elle aurait (pourquoi pas ?) serré l’homme contre elle, mis ses genoux au creux de ses genoux à lui, senti peut-être ses cheveux sur sa bouche, ses fesses mâles accolées à son ventre, son dos lui pressant les seins, leur sang pulsé au même rythme. Lâcheté, honte, angoisse ? Se pourrait-il, alors, qu’il ait simulé le sommeil ?
« Le désir est notre existence ». Au ton singulier de sa voix, de quelle étrange modulation le verbe être sonne ici.
Nouvelle Francesca, aurait-elle, quelque jour, lu en compagnie, appris ainsi la façon qu’a l’amour ? Visages pâlis yeux troublés se rencontrent ; à l’instant où le preux cueille le baiser, la bocca mi baccio tutto tremante. Et le livre initiatique a dû choir. Ah, ce mystère du regard et le clair de la peau, cette voix chaude, insinuante où les mots tremblent, baisers, dénégations et aveux confondus, la déflagration béante qui ne se montre qu’en se taisant !
Qui, mieux qu’elle, saurait la glèbe, quels sillons, où les rigoles à tracer ; et l’époque de la semaison ?