Écoute flottante
À propos de DÉNUEMENT, in Écoute flottante :
« Je reviens à ce très beau texte.
Sous l’hétéronyme d’Alvaro de Campo, Fernando Pessoa, dans le Gardeur de troupeaux, — je réfère ici de mémoire — rappelle que si l’on veut qu’il ait "un mysticisme, fort bien. [Son] mysticisme est de n’en avoir aucun" et de vivre solitaire dans une maison blanchie à la chaux, en haut d’une colline, "et voilà ma définition". Plus loin dans le recueil, il s’en prend à ceux qui voient des choses dans les choses. Tous ceux qui, au lieu de constater et dire cela que leurs yeux contemplent, s’envolent des choses, les quittent pour d’autres réalités. Il veut que le fruit ne demeure que fruit ; la pomme, que pomme ; l’orange, qu’orange.
Je te relis ce soir, François, dans ce texte que j’appellerais volontiers "l’éponge". Non par clin d’œil à Francis, quoique, mais parce que tu pratiques l’inverse de ces trop nombreux poèmes qui obstruent les pages, même informatiques. Tu t’installes devant le ciel d’hiver surchargé de vernis, de métaphores, d’enduits, et tu le dérobes à ces soudards, tu le dévêts de ces uniformes. Le voici nu à n’être que ciel, et soudain suffisant.
Puisque ainsi par toi, c’est fait, je peux donc continuer, chercher le dire à nommer sous de multiples reflets déposés dans les connivences ordinaires.
Puisque tu as déblayé la toile, sournoisement posé à contrechamp de ton travail, je me demande de quel "non-ciel" soudain me parle ton ciel, de quelle transcendance me parle cette immanence ?
Et ce n’est pas mépriser quand, satisfait que la chose soit bien dite, on part chercher un autre vocable, pour, dans l’ensemble des pages en train d’être zébrées, bâtir le contrefort.
Contrefort qui nettement enfoui dans la brume de décembre, en travers du paysage, prend des couleurs de ciel ombré, des puissances d’arbres, et s’habille du doute qu’il soit de pierre ou de rêve.
Post-Scriptum : À tous qui lisez ces lignes, le poète bien sûr apprécie les applaudissements, les félicitations. Mais je trouve cela un peu court. Après avoir été applaudi, il reste seul, dans un lit d’amour défait. N’hésitez jamais à vous appliquer à décrire l’effet que vous font ces lignes, décrivez votre émotion, votre réflexion. Osez vous tromper, exagérer ou prendre un chemin de traverse, mais n’allez pas laissant le poète seul avec la compagnie d’un poème aussi vivant qu’une truite pêchée, et en souvenir de plus en plus lointain, l’écho de vos simples bravos…Osez montrer comment les mots ont germé en vous. » (Jean Devriendt, sur facebook, 11/12/2015)
« Voici une prose comme je les aime. Une prose exigeante, musicale, généreuse, une prose où l’on ne fuit pas, comme trop souvent aujourd’hui – triste paresse… – , devant la période. On pense souvent au phrasé ciselé du meilleur Ponge, mais il y a là une qualité d’émotion qu’on ne trouve pas chez l’auteur du “Parti pris des choses”, trop englué dans un jeu cérébral vite gratuit. Ici l’objet affleure réellement comme découvert sous la main qui écrit. Et quoi que puisse dire Jean-Louis Giovannoni, François Laur caresse bien l’intérieur du corps des échalottes… jusqu’aux larmes. »
(Guy Allix, http://anthosuballix.canalblog.com/pages/francois-laur/27633763.html)
« François Laur […] a dressé la nappe blanche de ses mots dans la lumière réfractée d’une hypothétique caverne et convoqué ses lecteurs patients à un déjeuner sur l’herbe baroque, (mais je ne crois pas qu’il s’agisse d’un trompe-l’œil) parfaitement indécent sous le bleu cru où tout est désir et plaisir, et volupté ! » (Jean-Paul Charlut)
« Il me semble que ce qui me parle et m’attache, dans ta poésie, comme dans toute vraie et rare poésie, c’est une célébration du réel par l’énergie d’une invention langagière très puissante et très concentrée. Des fulgurances sensuelles ou philosophiques percent la surface de l’habitude et de la banalité pour nous faire percevoir l’illimitation du proche.
Affirmation tranquille d’une adhésion au menu sans fond, ta poésie élargit et approfondit le champ des possibles. Et tu nous offres ce réel dilaté.
Sois-en remercié. » (Christian Pastre, courriel, 12 novembre 2012).
« Dédiée au graveur J G Gwezenneg avec qui François Laur a déjà travaillé, cette plaquette porte un titre qui évoque l’art japonais de l’ukiyo-é (littéralement « image du monde flottant »), ce mouvement artistique de l’époque Edo célèbre pour ses estampes sur bois. Ses thèmes principaux : la beauté des femmes et la nature… Mais cette expression de « monde flottant » renvoie elle-même au bouddhisme et sa notion « d’impermanence des choses ». » [http://revue-texture.fr/Fascine-de-mots.html]