CHAMBRE D’HÔTE
Toi, l’hôtesse, toi qui as la verdeur d’une averse de mai et le parfum tilleul des soirs de juin si doux, toi qui es à toi seule calme lagune et rire de ruisseau avec ses trembles qu’un léger vent suffit à émouvoir ; à l’ombre de tes cils, chatoient des béryls bleus. Toi, de ta nuque à tes reins roule, infinie, la mer.
Tankers migrants noyés avec la mer viennent les vignes sang et or en novembre les perdrix danse de la pluie et les grives musiciennes, les champs de ponceaux, le thym courage jadis onguent des morts fumée pour dieux, les dentelles de fougeraie, les troncs moussus et la chaleur de la pierre au soleil. Comment te trouver où tu es ?
Toi aux terrasses des cafés, tu as d’autres horizons que voiture, grand écran, shopping, prédations et déprédations. Toi qui souhaites vivre où le ciel, de nuit, se met en posture d’étoiles, tu dis : « prends garde à la beauté des choses », ne confonds jamais étreinte avec étranglement : sans coquille sur le sexe, tu sens les plis du corps comme l’amour du monde, le « nous » à portée de poème. Certes, chacun est une foule, notre « nous » est sans frontières. Tu échappes au renom, te refuses à l’image en boucle. Femme des sources, dans le coudrier tu tailles une baguette, Y bifide et féminin, langue d’aspic pour questionner le lieu, à la recherche de l’eau vive.
Toi, l’hôtesse perceuse d’isthmes, te répugne ce non-monde mercantile où exister devient survivre sur la terre génocidée.