À UNE QUI CONNAÎT L’ŒIL D’OR DE LA CHEVÊCHE
Femme qui sais les saveurs, toi qui sais la douleur, serres fichées dans les entrailles, tu distilles des sucs, fais mariner des baies, pour que rien n’offusque la grâce des choses : étalement de la prairie, silence immobile à midi le juste, large écart bleu de la vallée, montée légère de la fumée, vibration verte aux oliviers, bruissement d’eau de la rivière.
Tu sais : crève-cœur et navrements érigent leurs bastions de scories et de ruines, abjection et pleutrerie déploient leur tenture funèbre. Mais tu abreuves de ton philtre, et rien n’occulte la splendeur.
À l’abri d’aucun fiasco, j’ai subi abandon, prunelles au vinaigre, froideur de l’ami, larmes d’une trahie ; j’ai veillé des agonies. Mais depuis ta venue, « rien n’obscurcit la beauté de ce monde », comme dit le « poète intégral ».
On a cherché à me tester, détourner mon regard d’ici ; d’un crêpe noir, recouvrir les vergers. Mais par toi j’ai discerné tant de galbes larges et doux !
Insurgés soulevés insolents : ainsi peut-être nous récuserons brise-bise de rigueur, couvre-feu. Craquelés, égrugés, finis les masques de tourment ?
Avec toi se prodiguent les contrées de la joie, gâteau de miel à leur banquet. »