14 octobre 2015
« Rien n’obscurcira la beauté de ce monde
Les pleurs peuvent inonder toute la vision.
La souffrance peut enfoncer ses griffes dans ma gorge.
Le regret, l’amertume, peuvent élever leurs murailles de cendre,
La lâcheté, la haine, peuvent étendre leur nuit,
Rien n’obscurcira la beauté de ce monde.
Nulle défaite ne m’a été épargnée.
J’ai connu le goût amer de la séparation.
Et l’oubli de l’ami et les veilles auprès du mourant.
Et le retour vide, du cimetière.
Et le terrible regard de l’épouse abandonnée.
Et l’âme enténébrée de l’étranger,
Mais rien n’obscurcira la beauté de ce monde.
Ah ! On voulait me mettre à l’épreuve,
détourner mes yeux d’ici-bas.
On se demandait : « Résistera-t-il ? » Ce qui m’était cher m’était arraché.
Et des voiles sombres, recouvraient les jardins à mon approche
La femme aimée tournait de loin sa face aveugle
Mais rien n’obscurcira la beauté de ce monde.
Je savais qu’en dessous il y avait des contours tendres,
La charrue dans le champ comme un soleil levant,
Félicité, rivière glacée, qui au printemps s’éveille
et les voix chantent dans le marbre
En haut des promontoires flotte le pavillon du vent
Rien n’obscurcira la beauté de ce monde.
Allons ! Il faut tenir bon. Car on veut nous tromper,
Si l’on se donne au désarroi on est perdu.
Chaque tristesse est là pour couvrir un miracle.
Un rideau que l’on baisse sur le jour éclatant,
Rappelle-toi les douces rencontres, les serments,
Car rien n’obscurcira la beauté de ce monde.
Il faudra jeter bas le masque de la douleur,
Et annoncer le temps de l’homme, la bonté,
Et les contrées du rire et la quiétude
Joyeux, nous marcherons vers la dernière épreuve
Le front dans la clarté, libation de l’espoir,
Rien n’obscurcira la beauté de ce monde. » (Ilarie Voronca)